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d’êtres supérieurs, dans lesquels, selon la formule elliptique d’un de vos sages, l’univers prendrait de plus en plus conscience de lui-même ; mais cela ne peut se faire que par le sacrifice ou du moins par la mise en oubli de millions et de millions de créatures inférieures : ce qui est dur, ce qui comporte, chez les privilégiés, trop d’indifférence aux maux d’autrui et ce qui, par suite, implique contradiction, car une conscience supérieure ne se conçoit pas sans une infinie bonté.

« Des personnes héroïques assignent, il est vrai, à l’humanité un troisième but, qui ne serait ni le bien-être de tous ni la vie supérieure de quelques-uns. Elles disent que nous ne sommes point nés pour le plaisir, que la solution de toutes les difficultés, ce serait que chacun préférât les autres à soi-même et connût qu’il n’est pas de meilleure joie que le renoncement à toute joie. Ce rêve-là est très évidemment la chimère par excellence. Je l’écarté et m’en tiens aux deux premiers.

« Mais ces deux rêves-là, je dis qu’il faudrait pouvoir les concilier. Cette conciliation n’est pas possible dans le vieux monde, notamment dans la partie que j’en connais le mieux, et qui est l’Europe. L’idéal démocratique et l’autre