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reine, dont Dieu ait l’âme. Pendant cinquante ans, j’ai travaillé dix heures par jour et, tant que j’ai eu des forces, pas un moment je ne me suis dispensé de ma dure parade royale. Et j’ai eu la douleur de voir les peuples se désaffectionner de leurs rois et de sentir que rien de mon âme ni de mes croyances n’avait passé dans mes fils. Et voilà que Dieu a permis que l’un d’eux commît le crime de Caïn et que tous deux périssent en un jour, parce que l’un d’eux manquait de vertu, et l’autre de foi. Et, ainsi, j’ai peur que ma mort, qui est proche, ne soit pas seulement la fin d’un vieux bonhomme de roi, mais la fin d’une race, et peut-être même la fin d’une royauté… Toutefois, haussons nos coeurs. Le désespoir est un crime. La foi et la vertu qui manquaient à mes fils, vous les avez, ma fille, et mon petit-fils est en de bonnes mains. Et le vieux tronc pourra encore reverdir !… Dieu lui-même nous fait assez connaître qu’il ne nous a pas encore abandonnés, puisque, tout en nous frappant, il nous livre nos ennemis et nous arme contre eux… Rassurez-vous, madame : vous n’avez rien à craindre… Audotia Latanief sera condamnée--et pendue, je m’en flatte.

La princesse eut un sursaut d’horreur :