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sauver encore ce qu’avait si gravement compromis la faiblesse ou l’indignité de ses fils…

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Cependant, Audotia, dans sa prison, était fort malheureuse. Elle était persuadée que c’était Frida qui avait tué le prince Hermann, et elle la bénissait et elle la glorifiait dans son cœur. Mais, en même temps, elle ne pouvait se consoler de l’avoir perdue. Elle découvrait en elle-même une maternité dont elle n’avait pas auparavant soupçonné la profondeur, et, pour la première fois, elle craignait d’aimer une personne autant que l’humanité.

Dans la nuit qui avait suivi sa visite à Orsova, puis toute la journée du lendemain, elle avait vainement attendu sa jeune amie. La nouvelle du double meurtre l’avait d’abord comblée de joie : elle croyait le peuple prêt à saisir cette occasion de se soulever et de proclamer la République. Mais elle comptait sans le réveil de Christian XVI. Rentrée à Marboung, elle y avait trouvé le parti hésitant, intimidé par les mesures de rigueur que le vieux roi avait décrétées, et la majorité du peuple amusée par ce crime célèbre comme par un roman-feuilleton qui serait « arrivé » et plus curieuse de suivre