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ils ont, étant rois, des idées et des passions de simples particuliers. Hélas ! votre frère Otto aurait peut-être plus que vous la juste conception de la souveraineté ; mais Otto vit mal. Votre cousin Renaud est un fou. Moi, je suis vieux et malade et m’en irai bientôt. En sorte, que le royaume d’Alfanie n’a d’autre support que vous. Haussez donc votre cœur. Que le sentiment de votre responsabilité vous rende la foi que je sens qui vous manque, et que la foi vous donne le courage d’agir, même contre le peuple, pour le bien du peuple. Soyez roi : vous le devez, et prenez garde de n’être qu’un homme.

Hermann sourit.

— Ai-je dit quelque chose de si plaisant ? fit le vieillard.

— Mon cher père, dit Hermann, ne vous irritez point. Je vous aime, je vous vénère, et je voudrais vous ressembler. Mais vous me sommez d’être plus qu’un homme, et, s’il est une chose dont je sois sûr, dont j’aie la preuve, à chaque instant, au plus profond de moi-même, c’est que je ne suis qu’un homme en effet. Oui, j’ai beau faire, j’ai beau me représenter combien il est étrange que je me trouve élevé au-dessus de trente millions d’autres êtres humains et que cela a dû être voulu par un Dieu…