Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/304

Cette page n’a pas encore été corrigée

pensée, mais non dans la mienne. Ce qu’elle croit m’importe peu ; mais je tiens à ne pas me sentir, moi, diminuée devant elle.

— Hélas ! Frida, vous ne m’aimez pas.

— Je vous aime, Hermann, mais je ne puis être la rivale honteuse de la princesse de Marbourg.

— Non, vous ne m’aimez pas. Et cela, quand je n’ai plus que vous, quand je me suis détaché de tout le reste, quand, à cause de vous, j’ai répudié toutes les autres raisons que j’avais de vivre… Car, voyez, je ne suis plus qu’un pauvre être douloureux et désorienté, en révolte contre lui-même, contre son rôle et sa destinée naturelle… Le sang qui coule dans mes veines est las, sans doute, des excès d’orgueil et d’action de tant de générations royales, et je traîne la fatigue de tous ces règnes… Je serai toujours, toujours malheureux… Ah ! comme je hais ce qu’ils appellent mon devoir ! Comme je hais ma fonction royale ! Comme je hais tout de ma vie, tout, excepté toi !

La lampe, dont l’abat-jour avait glissé, laissait la plus grande partie du salon dans les demi-ténèbres, en sorte que, si Hermann et Frida avaient été attentifs à autre chose qu’à eux-mêmes, ils eussent pu distinguer, derrière le