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— Avez-vous donc pensé que, si j’ai pu me séparer de vous, de vous, ma plus chère fille, et si j’ai pu vous envoyer dans cette misérable cour, c’était pour y laisser couler votre vie inutile dans le luxe et dans la paresse pendant que vos frères meurent de faim ? Auriez-vous, en effet, l’âme d’une demoiselle d’honneur ?… Allons, venez, mon enfant. Il ne faut pas que le prince Hermann vous retrouve ici.

Frida couvrit son visage de ses deux mains et dit en pleurant :

— Je l’aime.

La vierge aux cheveux blancs eut un grand tressaillement de colère.

— Ah ! voilà donc le grand mot lâché !… Vous l’aimez ! Vous en êtes là… Une misérable aventure d’amour, voilà où devaient aboutir tant de belles pensées, de magnanimes projets, et le culte oublié de votre grand-père le martyr !… Vous aimez le prince ? Belle raison ! Qu’est-ce que cela nous fait ? Vous avais-je dit de l’aimer, moi ?… Il ne faut plus l’aimer, voilà tout… Il ne faut pas aimer une personne, car l’aimer, c’est ne vivre que pour elle, et ne vivre que pour elle, c’est ne vivre que pour soi… Ah ! ah ! je les connais, vos lâches, vos égoïstes, vos sales amours ! Il faut aimer les