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honnête fille. Ses lèvres étaient trop rouges et trop roulées, et ses yeux, sans qu’elle y songeât, raccrochaient les hommes. Au reste, assez souillon, mal ficelée dans des robes où manquaient des boutons et qui semblaient ne pas lui tenir au corps, mais avec des coquetteries de fille de bohème : des verroteries, des bouts de ruban écarlate, une manière de se mal peigner, de tordre ses lourds cheveux à la diable et toujours l’air de sortir du lit. Tout cela choquait le vieux soldat correct, habitué aux minuties extérieures de la propreté militaire. Il n’était pas tranquille. Plus d’une fois, il avait découvert, dans quelque coin de l’armoire de Kate, des colifichets, des bagues et des chaînes en toc, dont il lui avait demandé la provenance. Elle affirmait avoir acheté cela sur ses économies (car elle faisait de la couture pour les dames de Steinbach), et le vieux n’avait pas poussé plus loin ses investigations. Elle était si gentille et si câline avec lui ! Comme avec tout le monde, d’ailleurs. C’était une bonne fille. Ce charme équivoque qui émanait d’elle, il y cédait lui-même à son insu. Sans doute, il restait sur le qui-vive ; mais la fille était assez rouée pour dépister sa vigilance bougonne, vague et débonnaire, et pour