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elle. La paix dont elle était enveloppée, la compagnie des plantes et des bêtes, l’ivresse légère des matins et la magie des soirs, le sentiment de l’auguste fatalité des lois naturelles, dont elle pouvait voir à chaque instant les lentes et sereines manifestations, tout cela lui faisait plus lointaine et plus malaisée à imaginer l’humanité vivante et douloureuse. Et, tandis que ceux de ses sentiments qui avaient pour origine des représentations générales et abstraites de groupes humains s’émoussaient imperceptiblement chez la jeune révoltée, en revanche, ce qu’il y avait de naturel, d’instinctif, de simplement féminin dans son mystique amour pour le prince se dévoilait et se fortifiait dans cette solitude. L’éloignement même d’Hermann le lui rendait plus présent. Et, déjà, à certaines heures, l’amoureuse, en elle, déconcertait l’illuminée.

Un matin, Frida reçut un billet d’Audotia Latanief qui ne contenait que ces mots : « J’irai vous voir. Votre vieille amie, » et la signature.

C’était le jour même où le prince Hermann devait venir à Orsova, après la tombée de la nuit.