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un fleuve de lait » et reconnut dans cette volupté un effet et un signe de la grâce de Dieu présente en elle : ainsi, tandis qu’une langueur lui venait de l’heure crépusculaire, de sa jeunesse et de son amour pour un homme, Frida se croyait surtout attendrie par son rêve d’universelle charité et reconnaissait, dans ce suave désir de pleurs dont elle était envahie, le signe d’une communion, enfin parfaite, avec toutes les âmes souffrantes éparses dans le monde et qu’apaisait, comme elle, à cette même heure, l’approche de la nuit bienveillante…

Et elle pensait sans cesse à Hermann. Elle se délectait à l’idée que ce qu’il préparait de grand, là-bas, était un peu son œuvre à elle. Plusieurs fois, le prince était venu la voir, et, chaque fois, il s’en allait réconforté par l’enthousiasme de sa petite amie, gagné à la contagion de son invincible espérance.

Quelques jours avant la manifestation du 1er octobre, elle écrivit à Audotia Latanief, dont elle avait demandé l’adresse à Hermann sans lui dire pourquoi. Depuis qu’elle l’avait quittée à Paris, toute relation avait cessé entre elles ; mais Frida savait bien que la vieille femme ne pouvait l’avoir oubliée. Elle lui expliquait