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Christian XI ou la folie érotique de sa trisaïeule la reine Ortrude ? Ou bien payait-il le surmenage physique et moral, le labeur surhumain d’une si longue lignée de princes administrateurs et soldats, raidis toute leur vie dans une attitude et dans un effort ininterrompus et presque tous morts à la tâche ? Ou bien plusieurs siècles de mariages entre consanguins ou de mariages purement politiques, mal assortis et sans amour, n’avaient-ils laissé enfin, dans les veines du dernier des Marbourg, qu’un sang corrompu et décoloré ?

Pauvre race de rois ! A mesure que son sang s’appauvrissait, son âme aussi semblait défaillir… Au reste, c’était ainsi dans toute l’Europe : chez la plupart des membres des familles régnantes se trahissait une diminution de la foi et de la vertu royale, une lassitude, un désenchantement ou une terreur de régner. Ils semblaient gênés d’être à part ; on devinait en eux un désir inavoué de revenir à la vie normale, à la vie de tout le monde, comme si l’isolement de leur majesté leur pesait et comme s’ils en éprouvaient plus d’ennui que d’orgueil. Et non seulement beaucoup affectaient de vivre de la même façon que leurs sujets, et, s’ils gardaient autour d’eux quelque reste