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Elle voulut, elle aussi, travailler de ses mains, le travail étant le devoir de tous dans la cité idéale. Elle se réserva le soin de la basse-cour et elle passait des heures avec Günther à faire des boutures. Et elle s’appliquait à traiter, dans ses propos, Günther et Kate sur un pied de complète égalité, ce qui gênait le bonhomme et faisait rire la fille.

Le reste du temps, elle lisait des livres de sociologie révolutionnaire, utopies pleines d’effusions vagues ou traités arides aux prétentions scientifiques, afin de se confirmer dans sa foi. Le soir, quand l’ombre s’allongeait, quand les fleurs brillaient, dans la lumière mourante, d’un éclat reposé et que la cime arrondie des massifs s’immobilisait sur un fond d’or, ou, d’autres fois, quand le ciel était gris et que le vent faisait flotter les feuillages souples comme de longues chevelures, elle jouait sur le piano un peu de musique allemande. Elle se sentait en même temps triste et heureuse, et, comme ces mystiques qui confondent certains troubles délicieux de leur corps avec les douceurs de l’état d’oraison, comme Catherine de Sienne lorsque, tenant dans ses mains pâles la tête du supplicié qui l’aimait, elle sentit lui couler dans les membres «