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misère et de la vanité des choses, ce renoncement de tous à l’espérance d’un « au delà », n’est-ce pas là précisément ce que toutes les générations d’autrefois avaient cherché sans le trouver, à savoir un lien réel des âmes, la communion dans un sentiment vraiment universel ? S’il faut que les hommes s’accordent pour être sauvés, qui ne voit que ce n’est point dans l’affirmation, mais dans l’abstention et le non-espoir métaphysiques, qu’ils peuvent s’accorder en effet, et même s’accorder tendrement, comme des frères en ignorance et en résignation ?… » Cela est loin, très loin dans l’avenir. Mais cela sera. L’humanité ne peut sans doute y marcher que par secousses… La Révolution française en a été une. Trente mille têtes humaines furent alors sacrifiées. Mais, depuis, des millions et des millions de créatures ont connu de meilleures conditions de vie, ont eu peut-être des sentiments et des pensées qu’on n’avait pas auparavant… Si j’osais !…

Mais non, il n’osait pas. Il sentait plus que jamais tout ce qu’il y a de résistance accumulée contre l’établissement, de la justice idéale dans une société aristocratique et bourgeoise vieille de huit ou dix siècles. Au cas où le courage