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nécessités, ou cette société prétendue naturelle ne pourrait subsister intacte qu’à la condition que chacun de ses membres comprimât la nature en lui.

Cela était fort peu probable. Hermann ne l’ignorait point. Il savait que, si jadis la foi religieuse avait seule rendu possible la résignation aux injustices sociales, les vertus dont cette foi est le soutien pourraient, seules encore, assurer l’établissement et la durée d’une société d’où ces injustices seraient bannies. Or le peuple ne croyait plus. Incroyant lui-même, Hermann n’avait pas l’hypocrisie de lui reprocher son incroyance ; mais il ne se dissimulait pas à quel point cette émancipation de l’esprit était destructive de la bonté et du désintéressement chez des hommes grossiers et qui n’avaient pas trouvé, comme lui, dans une règle morale librement conçue et embrassée, l’équivalent de la règle religieuse. Si ces gens-là devenaient les maîtres, que feraient-ils de leur puissance ? A quels brigandages, à quel désordre, à quel chaos fallait-il s’attendre ?

Qui sait, cependant ? Ce n’est point par elle-même, c’est accidentellement et provisoirement que l’impiété du peuple est un mal… Mais plus tard ?…