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était-il pas travaillé de contradictions par où il se détruisait lui-même ?

Le rêve socialiste est une idylle, toute de charité et de bienveillance mutuelle. Mais, d’autre part, étant donnée la société présente, il paraît probable que l’ère de ce roman ne saurait être inaugurée que par la violence. En d’autres termes, ce rêve ne peut être conçu et embrassé que par des âmes douces : mais les destructions préalables que suppose sa réalisation, ce sont surtout des âmes féroces qui les peuvent entreprendre.

Et Hermann se représentait vivement la lâcheté scélérate des politiciens révolutionnaires et, du même coup, la sottise persévérante du peuple. Oui, c’est ainsi : même quand il connaît leur vie, même quand on lui a prouvé qu’ils mentaient, le peuple continue à les suivre, ces exploiteurs pires que les capitalistes, et il leur pardonne tout, parce qu’ils savent lui dire les paroles d’illusion qu’il a besoin d’entendre. Et quelle prise peut avoir la bonté clairvoyante et loyale sur des malheureux qui veulent absolument être trompés ?…

Ce rêve dont on les leurre est, d’ailleurs, tout matériel au fond et tout terrestre. Il s’agit de jouir de la terre, et d’en jouir le plus possible,