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avait réellement communié dans une pensée unanime. Comme c’était beau ! et de quelle invincible espérance il s’était senti soulever ! Avec quelle foi, quelle conscience assurée de sa mission providentielle et de l’onction divine récente sur son jeune front il avait entrepris sa tâche de roi !

Il y avait tout sacrifié ; il avait retranché de ses affections naturelles tout ce qui ne s’accordait pas avec son devoir souverain et tout ce qui eût pu l’en détourner. Il avait presque ignoré la volupté, évitant les femmes, n’en voulant distinguer aucune. Son mariage, tout politique, n’avait été que la sanction d’un traité d’alliance avec un pays voisin. Et, pendant trente ans, il avait patiemment subi une femme bonne, sans doute, et, comme lui, pénétrée des devoirs de sa charge, mais sans grâce, de vertu rigide et de dévotion étroite.

Tout d’abord, son zèle et son abnégation étaient récompensés. Une guerre avec l’Autriche, vaillamment menée et où il avait payé largement de sa personne, rectifiait à son profit les frontières de l’Alfanie. Son peuple l’adorait. Par sa sévère économie et sa scrupuleuse application aux affaires, le royaume prospérait. Les ressources naturelles du sol étaient, pour la première