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— Tu pars bientôt ?

Le bruit du dehors croissait. Hermann s’était rapproché de la fenêtre et regardait le peuple venir. Mais Renaud, sans bouger, insoucieux du spectacle comme un homme guéri des curiosités vaines, répondit avec calme :

— J’embarque demain. J’emmène une femme que j’aime et que je ne pourrais épouser si je restais prince. C’est une petite gymnaste, Lollia Tosti. Nous nous marierons… là-bas, très loin… J’emporte de quoi vivre commodément… Je me demande si c’est très honnête pourtant ; mais on est toujours lâche par quelque point : je crains la pauvreté pour mon amie et je me dis que, après tout, ce que je possède sans l’avoir gagné est le salaire de ce que mes aïeux,--quelques-uns, du moins,--ont pu faire « pour le bien du royaume », comme on dit… Adieu, mon cher cousin.

Cependant, la foule était arrivée près de la grille basse de l’ancien fossé qui protégeait encore la façade du palais.

Une idée traversa l’esprit d’Hermann, et tout son corps en eut un frémissement :

— S’ils demandent que je fasse baisser le pont-levis, que ferai-je ?…

Mais la foule ne paraissait pas songer à pénétrer