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ils sont sages, les pauvres gens ! Voilà qui ne présage guère une émeute.

Il avait envie de les remercier de lui donner raison. Mais, peu à peu, cet ordre et ce silence mêmes faisaient naître au fond de lui une inquiétude. Mieux que n’eût fait une multitude confuse et bruyante, cette procession quasi muette--qui passait, passait interminablement--donnait la sensation du nombre et de la force. Hermann commençait à s’étonner d’avoir osé mettre en liberté, ne fût-ce que pour quelques heures, cette force inconnue, et le malaise de l’attente lui devenait intolérable.

Soudain, il s’aperçut que la procession des pauvres cessait de défiler. Elle revenait sur ses pas ; sa masse encore épaissie oscillait, semblait se heurter contre la grille.

Presque en même temps, l’officier annonça que les manifestants demandaient à entrer dans le jardin royal.

Hermann eut un moment d’hésitation… « Eh, quoi ! se dit-il, je serais lâche ? » Puis un désir lui venait, irréfléchi, irrésistible, de voir de plus près cette foule ténébreuse, grosse de mystère et de hasards.

— Qu’on leur ouvre ! commanda-t-il.

Il se remit en observation derrière la fenêtre, protégé