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Puis il s’assit, tira de sa poche une lettre qu’il déplia et en lut la dernière page de l’air d’un dévot qui médite un texte sacré :

«… Oui, je vais bien penser à vous, non pas plus que les autres jours, mais avec plus d’angoisse. Je sais trop les affreux conseils de prudence que les politiques vous donneront ; mais n’est-ce pas que vous ne les écouterez point ?… Il y a peut-être bien, parmi tous ces pauvres gens, quelques méchants et beaucoup d’ignorants ; mais il y a surtout des malheureux… N’ayez pas peur d’eux, vous, leur ami. Défendez qu’on les provoque en étalant les préparatifs de la répression sans savoir si l’on aura quelque chose à réprimer, et je vous jure qu’ils ne feront point de mal. L’âme de la foule est généreuse pour qui la traite avec générosité. Enchaînez-la par la confiance que vous lui montrerez… Songez donc, mon cher seigneur ! si un seul des pauvres de Jésus, de ceux qui sont bons et qui souffrent injustement, allait être tué par vous, par vous son protecteur naturel, et cela pour avoir crié sa misère !… Non, je ne puis supporter cette pensée… Au nom de notre amour, ne verse pas le sang des malheureux… »