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se résignait à la sottise et à l’ingratitude inévitables.

Outre la défiance d’une partie de la foule, Hermann sentait contre lui, sourdement grandissante, indomptable comme l’égoïsme et comme l’instinct de conservation et de propriété, l’opposition de tous les privilégiés.

Toutefois, il allait son chemin. Rien n’eût pu le faire reculer. Naguère, il passait pour faible et impropre à l’action par excès soit de sensibilité, soit d’esprit critique. C’est qu’en ce temps-là il n’avait pas charge des autres et que ses indécisions étaient de peu de conséquence. Mais, à présent que ses sentiments devaient se traduire par des déterminations qui, elles-mêmes, devaient toutes avoir des conséquences publiques, il s’était fait une volonté. Une volonté tendue, immobile, dont l’effort solitaire et ininterrompu l’avait mis peu à peu dans cette disposition d’âme où, à force de penser que l’on doit marcher contre l’obstacle et le rompre, la perception même de l’obstacle s’abolit et où s’accomplissent les actions folles ou sublimes. Bref, Hermann vivait dans une sorte de somnambulisme moral.

Au reste, sa lucidité d’esprit restant parfaite, il fixa lui-même les conditions dans lesquelles la