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Il se dit que ce serait là un acte éminemment raisonnable et bon, tout à fait digne d’un homme libre et d’un enfant de Dieu et qui ne paraîtrait blâmable qu’aux esprits bornés et aux âmes grossières.

Depuis longtemps, en haine de l’artifice et par un artifice suprême, il évitait dans ses propos tout ce qui pouvait ressembler, fût-ce de loin, à des phrases ou à des développements écrits, et son zèle à se simplifier était tel qu’il s’appliquait à ne dire que des choses qui pussent être comprises des petits enfants ou des femmes les plus ignorantes. Il n’avait jamais fait sa cour à Lollia, craignant de retomber malgré lui à une phraséologie qu’il méprisait et estimant, au surplus, que ce qu’il éprouvait auprès de la jeune fille était proprement ineffable.

Un soir donc qu’il se trouva seul avec elle dans la petite salle à manger des Tosti (la mère était à la cuisine et le père faisait une course), le prince Renaud dit seulement ceci :

— Lollia, je vous aime.

La petite déesse ne montra aucune surprise, mais parut fort contente.

Renaud ajouta :

— Et vous, m’aimez-vous ?