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mystère, ne prenait pas garde qu’il est purement subjectif, personnel à chacun de nous, fugitif et, changeant ; que la perception de ce merveilleux on-ne-sait-quoi correspond à un moment inférieur de la production artistique et qu’il s’évanouit forcément à l’heure de l’exécution, puisqu’il est l’indicible, mais que, d’ailleurs, il renaît, une fois la forme fixée, de cette forme même ; que c’est l’expression arrêtée et intelligible qui contient et qui nous suggère le plus d’« au delà », et qu’enfin ce sont les œuvres d’art ou les poèmes les plus précis, quand ils sont vraiment beaux, qui redeviennent dans notre pensée les plus mystérieux, les plus fertiles en rêves…

Le public considérait le prince Renaud comme un maniaque. Mais, parce qu’il était très doux et ne faisait de mal à personne, on finit par lui passer ses bizarreries. Bientôt même, rien n’étonna plus de sa part : il avait conquis le droit d’être extravagant ; on n’y faisait plus attention et, bien qu’il fût prince du sang, on lui permettait de vivre comme il l’entendait.

Il avait supprimé de son train de vie toute espèce d’appareil et, de cérémonial. Il ne paraissait jamais à la cour. Il s’appliquait de bonne