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or qu’il avait accumulé, c’était le prix de son activité, de sa hardiesse de joueur, de son imagination d’homme d’affaires, de sa supériorité intellectuelle. Et, sans doute, comprendre et absoudre ainsi les « affaires », c’est proclamer, par un détour, le droit du plus fort ou du plus rusé ; c’est admettre que la chasse à l’argent, au fond et malgré les apparences, se fasse dans les mêmes conditions que la chasse à la proie des hommes de l’âge de pierre. Mais cette considération eût peu frappé le baron Issachar. Il jugeait que la morale des conquérants était assez bonne pour lui et que la noblesse des rapines se mesure à leur entassement, aux risques courus pour les entasser et à l’usage qu’en font les entasseurs.

Or, il pensait faire de son vaste butin un usage illustre. Il en consacrait une partie à la fusion--déjà fort avancée--de l’aristocratie de l’argent avec l’aristocratie de la noblesse ; il avait l’hospitalité fastueuse, le prêt facile aux gentilshommes décavés, et, enfin, depuis plusieurs années, il avait la gloire d’approvisionner d’argent de poche un des princes les plus en « en vue » d’une des plus vieilles monarchies européennes.