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toujours soin d’oublier ou de taire ceux auxquels elle est venue remédier. Puis il s’agit d’une de ces entreprises qui ont besoin du temps pour être consommées et pour porter leurs vrais fruits. Habitué par ses travaux historiques aux lenteurs des transformations sociales, M. Duruy nous eût conseillé les patients espoirs. Il n’entrait pas dans son esprit que l’ardeur de savoir pût n’être pas un bien. Car, si l’univers a un but, il faut que ce soit, pour le moins, d’être connu de l’homme et de se réfléchir en lui, puisque, au surplus, les métaphysiciens nous disent que le monde n’existe qu’en tant qu’il est pensé par nous. « Science sans conscience est la ruine de l’âme ». Certes, M. Duruy en était énergiquement d’avis ; mais il eût nié que la science, à l’entendre bien, puisse être sans conscience. Un homme qui saurait tout serait nécessairement bon. Il serait guéri de la vanité, de la haine et de l’envie ; car l’intelligence totale de ce qui est en impliquerait pour lui, j’imagine, la totale acceptation ; et puis, connaissant tout, j’aime à croire que, entre autres choses, il connaîtrait avec certitude que l’intérêt de l’individu coïncide avec celui de la communauté humaine. C’est par un seul et même raisonnement que l’ancienne théodicée prouve Dieu omniscient et tout bon. Or, si la science, supposée complète, entraîne la bonté, elle ne peut, incomplète, être malfaisante en soi, ni même parce qu’elle est incomplète, mais seulement par la faute des passions qui occupaient