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préférence, une note officielle la qualifia d’« audacieuse témérité ». Il eut aussi, en 1853, de longs ennuis pour un court passage de son Abrégé de l’Histoire de France, relatif à la constitution civile du clergé. Enfin, en 1855, soutenant ses thèses en Sorbonne, il eut ce malheur, qu’une page de sa pénétrante étude sur Tibère suggérât à M. Nisard la phrase célèbre : « Il y a deux morales », phrase qui dépassait assurément la pensée de M. Nisard et que celui-ci aurait bien voulu n’avoir pas prononcée tout à fait ainsi, mais que M. Duruy, avec une incorruptible fidélité de mémoire, se souvint d’avoir entendue.

Qu’il y ait « deux morales », il l’avait cru à son heure, le prince aux yeux troubles et aux pensées vagues qui allait faire une des meilleures actions de son règne en élevant au premier rang le professeur du lycée Saint-Louis. La théorie des deux morales, c’est-à-dire, pour parler net, le privilège accordé aux souverains et aux hommes d’État de manquer à la morale dans un intérêt public ou qu’ils estiment tel, peut être également l’erreur volontaire et calculée d’un prince selon Machiavel — ou l’illusion d’un mystique, comme paraît avoir été ce mélancolique empereur au souvenir de qui trop de douleur s’attache pour que nous puissions, nous, le juger en toute liberté d’esprit, mais qui, au surplus, se trouverait sans doute suffisamment jugé, si l’on regarde sa fin, par le mot de Jocaste à OEdipe : « Malheureux ! malheureux ! je ne puis te donner un autre