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pas l’étonnant artiste. N’importe, je le remercie. Tout homme qui eut une mère le remerciera. »

Voilà qui dénote un état d’esprit bien curieux. Renan y était venu vers la fin de sa vie, comme on le voit dans la préface de l’Abbesse de Jouarre. Michelet n’aborde l’acte de la génération et tout ce qui le concerne qu’avec un respect terrible, des airs solennels et, si je puis dire, toutes sortes de momeries. Son livre est empreint d’une volupté très précise et très vive, mais d’une volupté d’un caractère religieux et même dévot. Ce sentiment s’oppose, d’une part, à la grossière frivolité gauloise et, de l’autre, à la pensée chrétienne qui attache toujours à l’amour physique une idée de souillure. Michelet, et certes il l’en faut louer, est aux antipodes d’un sentiment que j’ai rencontré chez quelques âmes, peut-être anormales sans le savoir : une grande répugnance à faire de la même femme un objet d’amour (l’amour impliquant ici estime, respect, tendresse, adoration) et un objet de possession physique. Invinciblement, chez ces renchéris, le cœur et les sens faisaient leur jeu à part. Leurs scrupules, malheureusement, ne les préservaient pas toujours de la débauche : mais ils ne désiraient pas posséder les femmes qu’ils aimaient, et ils ne tenaient pas du tout à aimer celles qu’ils possédaient. Ils étaient de forcer à ne se point marier, par respect de la jeune fille, parce que le geste final est le même avec celle-ci qu’avec la femme publique, et que ce geste leur paraissait