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trer qu’ils n’étaient pas dupes de la femme et qu’ils étaient munis de la plus féroce expérience ; qu’ils étaient capables des plus subtiles et défiantes analyses, et qu’ils n’étaient pas incapables eux-mêmes de perversité. Ils sont pessimistes, libertins, un peu fats. Et ils nous surfont la complexité féminine pour nous faire mieux croire à leur propre profondeur et à l’étendue de leur enquête personnelle.

Puis, il ne s’agit guère, chez eux, que de l’amour-maladie, — ou de l’amour-libertinage, — quelques noms qu’ils lui donnent ; bref, d’un amour dans lequel il y a toujours un principe de haine. C’est l’amour des sens à ses divers degrés, de la simple débauche à la pure folie passionnelle. À son degré supérieur, cet amour-là est « le grand amour », celui qui rend idiot et méchant, qui mène au meurtre ou au suicide, et qui n’est qu’une forme détournée et furieuse de l’égoïsme, une exaspération de l’instinct de propriété. Une créature est « tout pour vous » ; elle vous fait indifférent au reste du monde, parce que vous attendez d’elle des sensations uniques. Vous l’aimez comme une proie, avec l’éternelle terreur de la partager. Vous voulez être pour elle ce qu’elle est pour vous : l’univers de la sensation. Sinon, vous la haïssez en la désirant. Voilà le grand amour. La jalousie en est presque le tout.

Rien de tel chez Michelet. Car « l’amour », est un mot qui désigne des choses profondément différen-