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pas le propre esprit révolutionnaire des évangiles, candide, tout formé d’amour et totalement dénué de « prudence » humaine ?

Marceline est une admirable et touchante visionnaire. Elle prête à tous ceux qui l’approchent la beauté de son âme, à travers laquelle elle les voit et les entend. — À cause de sa profession première et de celle de son mari, cette très honnête femme, d’une scrupuleuse vertu, a toujours eu une partie du moins de ses relations dans un monde forcément mêlé. Ses plus intimes amies étaient des irrégulières : les chanteuses Caroline Branchu et Pauline Duchambge, — celle-ci, maîtresse d’Auber, — et Mélanie Waldor, qui n’a pas laissé, me dit-on, la réputation d’une femme très bonne ni très pure. Marceline les pare de toutes les vertus, les appelle ses anges, idéalise avec une imperturbable naïveté ce qu’elles lui laissent savoir des aventures de leurs sens. Oh ! le séraphisme des consolations qu’elle prodigue à Pauline, délaissée par le petit père Auber !…

Ah ! elle sait aimer et admirer, celle-là ! Tous les hommes et toutes les femmes illustres de la première moitié de ce siècle, elle ne les voit que grands, généreux et charmants. Jamais l’ombre même d’une restriction ou d’une raillerie dans les images qu’elle se forme d’eux. Je ne pense pas qu’il y ait eu, même parmi les saints, une âme plus incapable d’ironie ou d’observation malveillante que l’âme angélique de Marceline. Et il semble aussi que, en général, les