Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

dites ; et ce n’est pas seulement de l’excès même et de la continuité de sa déveine que lui vint son extrême sérénité. Elle avait une foi ardente en Dieu : et elle était infiniment bonne.

Elle écrit un jour à une de ses amies : « Nous pleurerons toujours, nous pardonnerons et nous tremblerons toujours. Nous sommes nées peupliers. » C’est bien cela. Elle frémit à tous les souffles du dehors. Ce qui l’empêche de mourir de ses propres souffrances, c’est qu’elle souffre et palpite et vit continuellement des souffrances des autres. Cette affligée se fond en compassion sur tous les affligés. Cette indigente passe son temps à faire la charité à de plus pauvres qu’elle ; aumône d’argent quand elle peut, aumône de consolations, de visites, de démarches, toujours trottinante dans les rues, sous son châle étroit, vers quelque œuvre de bonté. Un jour elle s’intéresse à un jeune forçat repentant, arrive à le tirer du bagne, fait une quête pour lui. Sa charité et sa pitié ne choisissent point. Elle s’exalte et s’attendrit sur Barbès, sur Raspail, sur le prince Louis au fort de Ham et sur Victor Hugo à Jersey. Elle verse des larmes brûlantes sur le peuple massacré, en 1839, dans les émeutes de Lyon. Elle en versera d’autres, ou, si vous voulez, elle versera les mêmes, sur la mort tragique du duc d’Orléans. Elle écrit, en 1837 : « Quelle année ! Trente mille ouvriers sans pain, errant dans le givre et la boue, le soir, et chantant la faim !… Allez ! le peuple de Lyon, que l’on