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pante, et une flamme trouble, mais chaude. Il n’est donc pas si bête de s’en être tenu au jargon dévot.

Quant au petit cours de casuistique que Tartuffe fait à Elmire, dans leur second tête-à-tête, pour lever les scrupules qu’elle lui laisse voir, il n’est point si étrange, ni si propre à estomaquer cette jeune femme, qu’il semblerait au premier moment. Au temps de Molière encore les « honnêtes gens » et les bourgeois n’étaient nullement étrangers aux choses de la théologie. Il n’y avait pas tant d’années que la question de la grâce avait été agitée devant eux dans Polyeucte et qu’ils avaient lu passionnément les Provinciales, — tout de même que, sous l’Empire, on se jetait sur la Lanterne de M. Rochefort (ce rapprochement ne signifie pas que je juge les deux ouvrages équivalents). Lors donc que Tartuffe expose à Elmire le « truc » de la direction d’intention, elle a beau n’être qu’une assez faible chrétienne, ces discours ne sont point de l’hébreu pour elle ; elle a du moins entendu parler de ces choses, et elle peut estimer Tartuffe cynique, mais non point extravagant ni ridicule.

(Sur cette question, d’ailleurs accessoire : « Tartuffe a-t-il la foi ? » j’en tiens pour ce que j’ai dit l’autre jour. L’hypocrisie dévote peut être de deux degrés : ou l’hypocrite a la foi et singe seulement les vertus qui lui manquent ; ou il simule en même temps les croyances et les vertus qu’il n’a pas. Ce deuxième cas est, selon moi, celui de Tartuffe, et