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mère à la Guadeloupe, où les appelle un cousin riche. Quand elles arrivent, l’île est en pleine révolte, les plantations incendiées par les noirs, le cousin disparu. La mère de Marceline meurt de la fièvre jaune. « Après une traversée où sa vie et son honneur sont en péril », l’orpheline revient en France. Elle cabotine où elle peut. À vingt-deux ans, elle est séduite et abandonnée. Elle perd sa voix à la suite de ses couches. Son enfant meurt. Elle épouse un comédien sans talent et qui avait bien du mal à gagner son pain. (J’ai reçu d’un « vieux lecteur des Débats » ce renseignement : « L’acteur Valmore a créé le rôle du geôlier dans Marie Tudor en 1832 ou 1833 ; il disait d’une voix pâteuse, exécrable, les quelques lignes de ce rôle ; il était très mauvais artiste. ») Elle perd sa première fille, Junie. Elle perd sa fille Inès, de la phtisie, à vingt et un ans ; elle perd son frère, ses soeurs, sa plus chère amie Caroline Branchu, sa fille Ondine. Elle meurt après deux années d’une maladie atroce. Joignez à cela une pauvreté qui dura toute sa vie, la perpétuelle angoisse du loyer, des billets à ordre, même du repas du lendemain ; il lui arrive de commencer le mois avec un franc dans son tiroir, et de n’avoir pas de quoi affranchir ses lettres… Ce fut une malheureuse, une crucifiée…

Or, — et ceci est magnifique, — sans doute elle se lamente, mais jamais elle ne désespère, — et jamais elle n’exprime un sentiment où l’on puisse surprendre même un commencement de méchan-