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nombre d’hommes d’Église et de dévots, même sincères, les jouissances de la gueule sont comme une revanche licite de ce qu’ils se retranchent sur le point que vous devinez. Ces jouissances sont beaucoup plus assurées et beaucoup moins rapides que celles de l’amour ; par un bienfait de Dieu, elles sont presque aussi vives, et tout aussi matérielles, et tout aussi grossières ; et elles sont permises ! et bien plus largement que les autres, lesquelles ou ne sont autorisées que dans un seul lit ou ne le sont pas du tout ! Elles sont, elles, permises à toutes les tables où l’on peut s’asseoir ! Quelle aubaine pour les âmes pieuses ! Aussi en voyons-nous plus d’une s’empiffrer théologalement. — Joignez, ici, que le grand appétit de Tartuffe et ses connaissances de dégustateur ne sont pas pour déplaire à un opulent bourgeois comme est Orgon, que l’on peut sans témérité supposer ami de la bonne chère et fier de sa cave. C’est peut-être tout justement en bien mangeant et buvant sec que Tartuffe a achevé de le séduire.

« Tartuffe rote à table ? » D’abord, c’est Dorine qui le dit. Le digne homme a pu avoir un jour un léger hoquet, que la haineuse servante a exagéré, transformé en un bruit plus malséant. Et puis, n’oubliez pas que les gens du dix-septième siècle ne mangeaient pas fort proprement : ils prenaient la plupart des viandes avec leurs doigts, s’essuyaient les mains à la nappe, jetaient les os par-dessus leur épaule.