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la scène de la déclaration du troisième acte, il cachait ses pieds sous la jupe de Mme Préville, lui serrait les doigts, lui pressait le genou, et cela avec des attouchements si impudents, qu’exaspérée elle lui dit un jour, de façon à être entendue d’une partie de l’orchestre : « Si nous n’étions pas en scène, quel soufflet je vous appliquerais ! »

Mais un beau jour on s’avisa que Tartuffe ne devait pas faire rire à ce point. Tartuffe passa donc des comiques aux premiers rôles. Vanhove, Naudet, Molé, Baptiste aîné, Damas jouèrent surtout ce que j’ai appelé « le second Tartuffe ».

C’est aussi celui-là qui a été traduit par M. Febvre (à la Comédie), par Adolphe Dupuis (à l’Odéon) et, l’autre jour, par M. Worms. — À vrai dire, Adolphe Dupuis en fit un bon gros homme, presque un vieux général. M. Febvre en faisait, lui, un homme du monde et un « brillant causeur ». Mieux qu’aucun de ses devanciers, M. Worms a sauvé Tartuffe du ridicule. Ce qu’il a exprimé peut-être le plus fortement, c’est l’ardente passion sensuelle dont Tartuffe est dévoré. Il lui a prêté aussi une sorte d’âpreté triste, une allure sombre et fatale, et qui fait songer tantôt à don Salluste, tantôt à Iago. Enfin il semble qu’il ait voulu surtout nous rendre sensible cette idée, que Tartuffe se perd parce qu’il aime. Et, en même temps, il nous a montré un scélérat si élégant, d’une pâleur si distinguée dans son costume noir, si spécial par l’ironie sacrilège qu’il mêle à ses dis-