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et notable, dont la conduite pendant la Fronde a été signalée au roi avec éloge ; comment ce bourgeois, qui a sûrement les préjugés de sa classe et de son rang, a-t-il pu le recueillir chez lui, l’y traiter en ami intime et en directeur de conscience ? Comment a-t-il pu subir à ce point l’ascendant de ce goujat qui, pour être un coquin, n’en est pas moins un simple d’esprit ? On ne voit pas non plus que les bourgeois, même dévots, soient détournés par leur dévotion du soin de marier richement leurs enfants : comment Orgon peut-il s’entêter à donner sa fille à cet ancien mendigot ? Il y a là, à mon avis, une impossibilité morale.

Et c’est pourquoi, le désaccord étant complet entre ce personnage et la besogne que Molière a dessein de lui faire accomplir, voici surgir, chemin faisant, un second Tartuffe, fort différent du premier. Plus rien du rat d’église. Le butor qui racontait aux gens l’histoire de ses puces, qui rotait à table et s’empiffrait à en crever, nous apparaît maintenant comme un homme de bonne éducation, comme un gentilhomme pauvre, et qui, même au temps de sa détresse, a conservé un valet. Gentilhomme, je ne sais pas bien s’il l’est en effet ; mais il faut croire à présent qu’il en a du moins les airs, puisque Dorine, son ennemie, dans le couplet où elle raille Marianne, admet elle-même qu’il tiendrait bon rang dans sa province :

 Vous irez par le coche en sa petite ville, etc.