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frances inouïes, démesurées et prolongées il s’agit ici). De cette disposition surhumaine, Renan donne ces explications : « L’exaltation et la joie de souffrir ensemble les mettaient dans un état de quasi anesthésie. Ils s’imaginaient qu’une eau divine sortait du flanc de Jésus pour les rafraîchir. La publicité les soutenait. Quelle gloire d’affirmer devant tout un peuple son dire et sa foi ! Cela devenait une gageure, et très peu cédaient. Il est prouvé que l’amour-propre suffit souvent pour inspirer un héroïsme apparent, quand la publicité vient s’y joindre. Les acteurs païens subissaient sans broncher d’atroces supplices ( ?) ; les gladiateurs faisaient bonne figure devant la mort évidente, pour ne pas avouer une faiblesse sous les yeux d’une foule assemblée. Ce qui ailleurs était vanité, transporté au sein d’un petit groupe d’hommes et de femmes incarcérés ensemble, devenait pieuse ivresse et joie sensible. L’idée que le Christ souffrait en eux les remplissait d’orgueil et, des plus faibles créatures, faisait des espèces d’êtres surnaturels. » Et encore : « Ceux qui avaient été torturés résistaient étonnamment. Ils étaient comme des athlètes émérites, endurcis à tout… Le martyre apparaissait de plus en plus comme une espèce de gymnastique, ou d’école de gladiature, à laquelle il fallait une longue préparation et une sorte d’ascèse préliminaire. » Peu s’en faut que Renan ne dise : « Le martyre était un sport. » — Il est certain que, d’être regardé, c’est une grande force : cela donne le courage de souffrir