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On annonce alors M. Dursay. Il vient demander la main de Lia pour son neveu. Lia refuse : « Je ne saurais, dit-elle, être la femme d’un homme qui m’a voulu prendre de force, dont les bras m’ont meurtrie, dont mon visage a senti le souffle, et qui a pu croire, fût-ce par ma faute, que j’allais être sa maîtresse… Et enfin je n’aime pas votre neveu, et cela répond à tout. » Au reste elle ne se pose point en victime. Dursay lui ayant dit : « Mais, si vous refusez cette réparation, vous voilà probablement condamnée pour jamais à la solitude », elle répond : « Ce sera donc ma punition. Et, comme elle est juste, je l’accepterai d’un tel cœur qu’elle me deviendra légère… Si j’ai eu jadis quelques mérites, je les ai perdus du moment que j’ai pris des airs vulgaires de sacrifiée et que j’ai quêté sottement des consolations. Des consolations à quoi, je vous prie ? On m’aimait bien, on me prenait très au sérieux. J’avais une vie calme, réglée, harmonieuse, avec des renoncements qui n’avaient rien d’excessif ni de tragique, et qui pourtant me donnaient la flatteuse idée que je n’étais point inutile aux autres… Il ne me manquait rien… que les orages et les délices de la passion. Je les ai entrevus, et cela m’a peu réussi… Et mon seul vœu, c’est, après quelques années d’exil nécessaire, de reprendre ici cette vie pâle et douce, où j’avais la lâcheté de me croire malheureuse. » Bref, elle s’est ressaisie ; la foi, le courage et la paix lui sont revenus ; et elle a définitivement compris que ce fa-