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À ce moment critique, se présente un lieutenant de hussards, neveu de Dursay, et qui n’a d’autre caractère que d’être lieutenant de hussards, car c’est tout ce qu’il fallait ici. Le bel officier propose à Lia un tour de valse. Lia, énervée, et comme ivre de chagrin, se montre d’autant plus imprudemment provocante et coquette que c’est la première fois et qu’elle y apporte quelque gaucherie. Il y a des mots qu’elle veut entendre, ne les ayant jamais entendus ; et le lieutenant les lui dit sans se faire prier. Et elle s’excite, raille le monde où elle a été élevée, ne cache pas au militaire que ce qu’elle apprécie en lui, c’est qu’il n’a pas de « vie intérieure » et qu’il doit être « loyalement païen » ; traite de mensonge et d’hypocrisie une discipline morale qu’elle a acceptée jusque-là avec foi et avec respect ; prononce enfin, ne s’appartenant plus, des mots qu’elle réprouvera demain : et c’est la revanche momentanée de la nature contre la grâce.

Le lieutenant juge cette fille singulière et amusante. Doucement, il l’entraîne dans un pavillon écarté, la fait asseoir, veut la saisir et l’étreindre. Subitement dégrisée, elle retrouve sa vraie âme de vierge et de puritaine. Loyale, et pour se faire pardonner « sa vilaine, sa coupable coquetterie », elle lui conte, héroïquement et maladroitement, sa triste histoire et sa dernière et grotesque déception, et comment elle n’était plus elle-même quand le hussard est survenu. « Vous devez me croire, monsieur,