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il, mon Dieu, avoir tant rêvé, tant prié, tant pleuré à propos de cet imbécile ! »

Du coup, Lia enterre, si l’on peut dire, sa vie de jeune fille. Elle a trente ans ; elle est moins naïve, plus intelligente, plus avertie qu’au premier acte. Le syndic Müller, quinquagénaire encore assez frais, et brave homme, et qui a rendu des services aux Pétermann, a, tout à l’heure, demandé sa main et doit venir chercher la réponse. Le coeur libre désormais, Lia accepte sans répugnance l’idée de ce mariage de raison : « Évidemment, dit-elle, il doit y avoir des émotions et des joies dont il faut bien que je fasse mon deuil… Mais elles sont très mêlées, ces joies-là, je le sais… J’aimerai M. Müller, puisqu’il est bon. Et puis, j’aurai peut-être des enfants… D’ailleurs mon mariage facilitera celui de Dorothée. M. Müller lui même s’y emploiera. Sans compter bien des petites douceurs pour papa et maman… Oui, oui, je suis plutôt contente. »

Mais il est sans doute dans la destinée et dans le caractère de Lia d’être dupe. Lorsque M. Müller vient « chercher la réponse », c’est Dorothée qui le reçoit. Sous prétexte de tendresse innocente et de jalousie de petite fille, la jeune effrontée se frotte, en pleurant, contre le bonhomme ; elle laisse échapper ce cri : « Je ne veux pas que vous épousiez Lia, parce que j’en mourrais ! » et s’abat, en une demi-syncope, sur le gilet de son respectable ami… Et quand elle est calmée, Müller s’esquive en murmu-