Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée

fessionnelles ou individuelles, et de ce qu’il peut y avoir de relatif dans la valeur de nos actes. Puis l’horreur qu’il a des mauvaises actions conseillées par l’argent le rend infiniment indulgent aux fautes où l’argent n’est pour rien, et, d’autres fois, lui fait éprouver une sympathie presque excessive pour les mouvements accidentels de bonté dont peut encore être capable tel coquin qui s’est enrichi à force de manquer de scrupules.

Il fait dire, ou à peu près, par Piégois au jeune Henri Tasselin, probe (quoique avide) dans les questions d’argent, mais impitoyable et déloyal en amour : « Vous, vous ne feriez tort d’un sou à personne ; mais vous avez lâché, pour un beau mariage, la jeune fille à qui vous aviez fait un enfant. Moi, j’ai roulé beaucoup d’imbéciles dans ma vie ; mais j’ai épousé, quand elle est devenue mère, une ouvrière que j’avais séduite. Chacun a sa morale, et nul n’est parfait. » Et le bon tenancier, la sympathique crapule ajoute plaisamment : « Si les imbéciles n’étaient pas roulés, ils triompheraient et le monde ne serait plus habitable. »

L’auteur, ici, ne nous cèle guère sa préférence pour Piégois. Cependant Piégois a dû, au cours de ses louches spéculations, faire parmi les « imbéciles » qu’il a « roulés » des victimes aussi intéressantes — qui sait ? — et aussi à plaindre qu’une fille-mère abandonnée par son amant. Mais ces victimes lui demeuraient lointaines et inconnues, il ne les a pas