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molle dans une défiance trop inquiète et trop armée ? Et le dessein d’être stoïque contre un ami ne peut-il pas être aussi une cause d’erreur ?

Il reste que je « juge », si j’ose encore m’exprimer ainsi, les cinq dernières productions de notre art dramatique d’une manière toute subjective et sur le plaisir qu’elles m’ont fait. Ce n’est pas glorieux, mais c’est tout ce que je puis.

Il n’y a peut-être de critique digne de ce nom que celle qui a pour objet des œuvres suffisamment éloignées de nous et dont nous sommes personnellement détachés. Encore faut-il qu’elle porte sur d’assez vastes ensembles pour que nous y puissions saisir les justes relations que soutiennent entre elles les œuvres particulières. La critique au jour le jour, la critique des ouvrages d’hier n’est pas de la critique : c’est de la conversation. Ce sont propos sans importance. Et c’est très bien ainsi. À considérer dans quel rapport numérique sont les œuvres significatives et durables avec celles (souvent charmantes) que négligeront les historiens de la littérature, on voit que cette critique écrite sur le sable ne convient pas mal à des comédies dont si peu paraîtront un jour gravées sur l’airain.

Après cela, ce n’est pas nécessairement juger de travers que de juger d’après son plaisir. Car notre plaisir vaut en somme ce que nous valons. Il n’est pas seulement un effet de notre sensibilité : il dépend aussi un peu de notre raison, de notre goût,