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bons, pour qui ce serait un véritable arrachement. Mettons cependant tout au mieux. On a, je suppose, bonne volonté. On fait assez volontiers l’aumône. On la fait sans orgueil. On la fait dans une pensée de réparation et de restitution, comme le recommandaient les Pères de l’Église pour qui la conception romaine de la propriété — jus utendi et abutendi — était une damnable erreur, et aux yeux de qui certaines fortunes démesurées étaient par elles-mêmes un scandale et un péché.

Mais, avec les meilleures intentions et le plus ferme propos de n’être point égoïste ni avare, on est souvent fort embarrassé. Dans les petits groupes ruraux, même dans les petites villes, on sait où sont les pauvres et qui ils sont. À Paris il en va autrement. Un des crimes de la civilisation industrielle et scientifique, c’est, en entassant les têtes par millions, d’isoler les âmes. Dans ces agglomérations des grandes villes où les riches et les pauvres ne se connaissent point et sont plus séparés par les mœurs qu’ils ne l’étaient jadis par les institutions, où toute communication semble coupée entre ceux qui pâtissent et ceux qui seraient disposés à les secourir, et où, par surcroît, on a à se garder des professionnels de la mendicité, il y a une chose aussi difficile que l’effort de donner, c’est de savoir à qui donner ; c’est d’atteindre les pauvres.

Et les atteindre n’est pas tout ; on voudrait leur apporter un soulagement efficace. Il en est parmi