Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée

un cœur plus large et plus aimant que tous les autres. Petite fille d’un petit village de la frontière, elle a souffert de ce que souffraient de pauvres gens à cent lieues, à deux cents lieues de là ; elle a conçu, entre eux et elle, un lien d’intérêts, de souvenirs, de traditions, de fraternité, de dévouement à un même homme, le roi, représentant de tous. Ce lien, elle l’a si profondément senti, que ce sentiment l’a faite capable d’actions héroïques ; que, par là, elle a révélé ce lien à beaucoup d’hommes de son siècle et l’a rendu plus réel qu’il n’était auparavant. Voilà l’invention de Jeanne d’Arc. Avoir trouvé cela est, certes, aussi beau et même aussi original, aussi surprenant, que d’avoir découvert la loi de la gravitation ou d’avoir écrit le Cid. À cause de cela, la gloire de Jeanne d’Arc est au-dessus de toutes les gloires ; et, pourtant, je le répète, elle n’eut aucune science et elle n’eut point une puissance intellectuelle extraordinaire : elle n’eut que de la bonté, de la pitié et du courage. Seulement, elle en eut autant qu’on en peut avoir.

Eh bien, chers élèves, il ne tient pas à vous d’être de grands savants, de grands écrivains, ni même, pour commencer, d’emporter tous les prix du Lycée ; mais il ne tient qu’à vous d’avoir du courage, de la loyauté, de la bonté. Et, par conséquent, il dépend de vous de devenir, aux yeux de Dieu et même des hommes, des créatures d’une qualité pour le moins égale à celle d’un grand savant, d’un grand