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toute la France comme d’une ceinture : et ainsi la Pucelle continue toujours son œuvre, et, morte depuis tantôt cinq siècles, elle contribue aujourd’hui encore au maintien de l’unité française, puisque le culte de Jeanne d’Arc, pieusement entretenu à toutes les étapes de son tragique pèlerinage, est un des sentiments par où cette unité est rendue sensible et se conserve vivante.

On peut tirer de la vie de la Pucelle, comme d’une vie de sainte, toutes sortes de leçons. En voici une que j’adresse particulièrement à ceux d’entre vous qui s’en iront d’ici sans lauriers.

Jeanne était certes fort intelligente : il y a de la finesse, outre la sublimité, dans ses réponses à ses juges ; on a d’elle une sommation au roi d’Angleterre, qui est éloquente dans sa forme ingénue ; et, d’autre part, un officier d’artillerie démontrait, il y a quelques années, que Jeanne, dans la conduite des opérations militaires, avait eu du coup d’œil et de la décision. Mais, avec tout cela, il est évident que son don propre ne fut pas le génie des lettres ni le génie de la guerre, mais le génie du cœur.

C’est par là qu’elle fut incomparable. On peut dire que cette paysanne a autant inventé et créé, dans l’ordre du sentiment, qu’un Newton dans la science ou un Corneille dans la poésie. Car elle a, en quelque façon, réinventé la patrie, par delà l’attachement au coin de terre natal et par delà le service d’un roi où d’un seigneur. Elle a été, en son temps,