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il dépendait peut-être de lui que nous fussions nous-mêmes moins timorés. Il ne s’agissait que de prononcer publiquement certaines paroles. Ne pouvait-il, en ne nous cachant rien, se laisser contraindre par nous à les dire ? Les mots ne sont que des mots, et pourtant il y en a qui soulagent.

À l’heure qu’il est, il n’est pas impossible qu’un boulet français tue des chrétiens en train de combattre pour des idées qui sont françaises. De telles nécessités font frémir. A-t-on dit ce qu’il fallait pour les conjurer ? On n’ose pas insister là-dessus. On a peur d’être trop facilement généreux, et avec trop de risques pour le pays.

La défaite est une chose atroce pour une race aussi impressionnable que la nôtre. Elle amoindrit la confiance en soi, la « joie de vivre », même la vertu, dans une plus grande proportion qu’elle ne diminue les forces. Elle rend timide à l’excès. Et les effets en sont plus funestes encore quand le peuple vaincu a longtemps représenté dans le monde la justice. Tous les faibles et tous les opprimés ont été, en réalité, atteints par notre désastre. Et il nous a démoralisés nous-mêmes en mêlant trop d’humiliation, de tristesse et de défiance de l’avenir aux seuls sentiments où nous puissions encore nous sentir unanimes. La communion d’un peuple