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Mais, pour que notre gouvernement parlât ainsi, il fallait qu’il y fût encouragé par quelque grand mouvement d’opinion publique. Or, d’opinion publique, il n’y en a plus. On accepte tout quand il s’agit de politique extérieure, par appréhension de « se faire des affaires » et par la lamentable désaccoutumance de se sentir fort. Vrais ou faux, les bruits qui, ramassés, créeraient des embarras à nos ministres, tombent d’eux-mêmes. Aucun journal n’a songé à demander s’il était vrai qu’un de ces derniers dimanches, au Théâtre de la République, on eût prié M. Mounet-Sully de ne pas réciter les strophes de l’Enfant grec ; ni pourquoi l’offrande, par les étudiants hellènes, d’une couronne à la tombe de Victor Hugo avait dû prendre des airs de cérémonie clandestine. Je dirais qu’il règne chez nous une sorte de petite « terreur turque », si tout ne s’expliquait assez par un très humble égoïsme national.

Le gouvernement français n’a pas proposé le plébiscite en Crète ; il n’a pas fait cette démonstration, inutile dans le présent, mais nullement dangereuse, conforme à notre mission dans le passé et à notre intérêt dans l’avenir, — parce qu’il a craint d’être plus magnanime que la nation. On ne saurait le lui reprocher bien sérieusement. Toutefois,