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nous plus nourrir de « vaines fumées », le manque de cette pâture légère nous demeure sensible.

Bref, nous souffrons d’une contradiction trop forte entre ce que nous sentons, naturellement ou par tradition, et ce que nous faisons.

Et peut-être ce malaise s’aggrave-t-il d’un premier remords.

Soyons sincères, même contre nous. Les premières nouvelles des massacres d’Arménie ont paru laisser la France assez indifférente. Il faut dire pour l’excuse du public (et ce point est tout à fait digne de remarque) que ces nouvelles ne nous ont guère été données, d’abord, que par des publicistes de tempérament violent et enclins à l’exagération, et que la plupart des journaux qui passent pour « sérieux » et « modérés » ont commencé par garder sur ces affaires un silence tenace. On en a, depuis, cherché les raisons ; et, bien entendu, on en a supposé de vilaines. La vérité, c’est que, sans doute, le gouvernement n’a mis aucun empressement à nous renseigner ; mais c’est aussi que, rendus timides par une humiliation d’un quart de siècle, conscients de notre impuissance à défendre désormais, à travers le monde, les causes « humaines », nous ne tenions pas beaucoup à savoir, parce que nous étions incapables d’agir. Et cela est triste.

Enfin, nous avons connu, malgré nous, les trois