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a moins de mal à lâcher quelques sous qui représentent quelques secondes ou quelques minutes de son labeur et dont il pourrait profiter effectivement, qu’à abandonner une grosse somme dont il n’a nul besoin et qui représente surtout le travail des autres. Cela est ainsi.

L’argent nous possède d’autant plus qu’il est en plus grande quantité et que, en un sens, il nous appartient moins, n’étant presque plus le produit de notre effort personnel. Il nous fascine alors par toute la puissance que nous sentons accumulée en lui ; et, justement parce que cette puissance, étant indéfinie, paraît énorme et merveilleuse, nous n’avons plus le courage de la détacher de nous, ni même de diminuer sérieusement ce qui amplifie si fort notre être. Quand je dis « nous »… Mais, comme dit Figaro, il n’est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner…

« Malheureux les riches ! Il leur est plus difficile d’entrer dans le royaume de Dieu qu’à un câble de passer par le trou d’une aiguille. »

Puisque l’Évangile même reconnaît implicitement que la charité leur est si malaisée, il est excellent que des louanges et des honneurs publics, et des décorations, et de la réclame et des « échos », payés ou non, encouragent ces infortunés à s’arracher les entrailles, et les aident à passer par ce chas, qui figure pour eux la porte de l’affranchissement et du salut.

Voilà tout ce que j’ai voulu dire.