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ses beaux yeux, ses cheveux éplorés, son long visage pâle, expressif et passionné, d’Espagnole des Flandres, émurent vivement le jeune « artiste » ; il connaissait d’ailleurs les vers de Marceline et lui croyait du génie. Elle, raisonnable, se défiait, objectait la disproportion des âges… Mais quoi ! il était beau, sincèrement épris, ingénument troubadour. Elle était seule au monde, avec un cœur meurtri, mais toujours un infini besoin d’aimer et d’être aimée, un besoin surtout d’être bonne à quelqu’un, de se dévouer… On devine sans peine ces nuances de sentiments, ce qu’il y eut d’admiration, d’enthousiasme, — et de respect, — dans l’amour de Valmore, et de demi-maternité et de tendresse protectrice chez Mlle Desbordes. Ce comédien et cette comédienne étaient, du reste, deux cœurs parfaitement ingénus, comme il appert de la Correspondance intime. Bref, ils s’épousèrent.

C’était l’union de deux « guitares », et aussi l’union de deux déveines, de deux guignes noires. Valmore n’avait jamais eu de chance… « Le 2 mai 1813, on donnait Amphitryon au Théâtre-Français. Valmore y jouait le rôle de Jupiter ; à la dernière scène, lorsqu’il apparaît dans un nuage, armé de sa foudre, appuyé sur son aigle, la corde qui le retenait en l’air se brisa, et précipita de quarante-cinq pieds de haut le dieu amoureux. La chute était épouvantable ; le pauvre Valmore fut emporté de la scène brisé, moulu, et plusieurs mois