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Poésie méridionale, lumineuse et précise. Ciel, terre, animaux et plantes, tout a une âme, comme jadis pour le bon saint François. Et tout vit, dans ce drame mystique, d’une vie concrète. Tout y est matérialisé. Pas une pensée qui n’ait son « signe » terrestre, très arrêté de contours. Rien de vague ni de nuageux dans les impressions de Bernadette. Les « voyants », du moins ceux du Midi, sont des gens qui « voient » mieux et plus nettement que nous, même les images de ce bas monde. La création est un système de symboles, mais les symboles sont clairs et consistants au pays du soleil.

À un seul moment, le poète estompe les objets. C’est pour nous peindre une après-dînée, à Biarritz, dans la villa impériale. Son art est tel que ce « tableau de cour » ne détonne point dans cette naïve histoire d’un miracle rustique. Il nous suggère impunément l’idée de crinoline : « Les convives se dispersent sur la terrasse dans le parc. Les mauves délicats, les bleus pâles des robes flottent légers comme des fleurs dans l’herbe. Les jupes s’étalent très larges, noient les fauteuils en bambou ; des fichus, des écharpent moussent sur les épaules, sur les gorges dont la blancheur ça et là s’épanouit… »

Le drame humain éclate surtout dans un épisode. C’est quand Bernadette, retirée en un couvent de Nevers avant l’érection de la basilique de Lourdes, avant la splendeur des pèlerinages nationaux, vit humble et cachée et comme absente de sa gloire, du-