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instant toutes les cordes de la lyre intérieure ? Et son charme n’est-il pas, en effet, dans cette facilité et cette incroyable rapidité à sentir, et dans cette légèreté ailée ?…

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Bien sûr je n’ai pas encore tout dit, ni même tout indiqué. Je reviens à son âme, qui était gracieuse et noble, et qui alla toujours s’embellissant. — Il faut se souvenir ici que les pages les plus douloureuses peut-être et les plus imprégnées de l’amour de la terre natale qui aient été écrites sur l’« année terrible » sont d’Alphonse Daudet. — Il ne faut pas oublier non plus que cet homme dont la sensibilité et l’imagination furent si vives et l’observation si hardie, n’a pas laissé une seule page impure ; qu’en ce temps de littérature luxurieuse, et même lorsqu’il traitait les sujets les plus scabreux, une fière délicatesse retint sa plume, et que l’auteur de Sapho est peut-être le plus chaste de nos grands romanciers.

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Il me disait un jour : « Quand je songe à quel point j’ai eu jadis la folie et l’orgueil de vivre, je me dis qu’il est juste que je souffre. » Je me suis rappelé ce propos d’héroïque résignation en voyant, parmi les roses qui jonchaient son lit de mort, sa tête devenue ascétique et, sur sa poitrine, le crucifix…