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meuse lui fait prendre conscience de son Midi et met en lui, sans doute, de quoi être un jour quelque chose de plus qu’un félibre supérieur. Toutefois, venu à Paris, il continue de gaspiller ses jours et les présents des fées : mais une femme — sa femme — le recueille, l’apaise à la fois et le fortifie, et, en apportant à ce tzigane l’ordre et la paix du foyer, le fait capable de tâches sérieuses et de beaux livres. La maladie, enfin, le complète. Elle agrandit son cœur et sa pensée par l’effort de souffrir noblement, et par les méditations mêmes et les lectures de ses longues insomnies ; et d’autre part elle pousse à l’aigu son expressive fébrilité d’artiste. En sorte que je ne sais si l’on vit jamais chez aucun écrivain, plus surprenant accord de la sensibilité pittoresque et de la sensibilité morale.

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Romancier, Alphonse Daudet est très original et très grand. Le réaliste, c’est lui, et non M. Zola : l’auteur lui-même des Rougon-Macquart le confessait loyalement l’autre jour. Daudet est comme « hypnotisé » (c’était son mot) par la réalité. Il « traduit » ce qu’il a vu, et le transforme, mais seulement ce qu’il a vu. Ses livres, construits sur des impressions notées (les fameux « carnets »), participent encore quelquefois du décousu de ces impressions, en même temps qu’ils en conservent l’incomparable vivacité. — Ses personnages ne nous sont présentés